Les lieux où s’écoule la vie

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Vue Montardon
Les lieux où s’écoule la vie 2018-02-16T17:29:31+02:00

Riante commune du Béarn, située à environ 8 km au Nord de Pau, Montardon compte en 1985 environ 1550 habitants et occupe une superficie d’environ 880 hectares.

Elle confronte au Sud à la ville de Pau, à l’Ouest la commune de Lons, au Nord-Ouest la commune de Serres-Castet, au Nord-Est la commune de Saint-Castin et au Sud-Est la commune de Buros.

La commune de Montardon comprend deux zones distinctes :

LA PLAINE, qui de subdivise encore en deux parties :

  • la zone de plaine dite le Pont-Long,
  • la zone de plaine au pied des coteaux.
LES COTEAUX :

  • zone limitée au Nord-Ouest par la commune de Serres-Castet,
  • zone limitée au Nord-Est par la commune de Saint-Castin,
  • zone limitée au Sud-Est par la commune de Buros.

De nombreuses sources prennent naissance à mi-coteaux : Fontaines de Then, de Houssat et de Garros. Elles donnent naissance à des « Arrius » qui rejoignent dans la plaine des ruisseaux plus importants, le Laps et le Luy de Béarn qui sillonnent la campagne en longs méandres donnant entre les vallons cette magnifique ligne sinueuse des saules et des chênes centenaires faisant ressortir la beauté du paysage et la note verte des pâturages et des cultures.

Jadis, l’écoulement de ces deux ruisseaux (parfois capricieux par temps d’orage) fut utilisé par la construction du canal qui alimentait le Moulin de Montardon.

Dans la zone de la plaine se trouvent également les ruisseaux l’Oeilhède, qui servit de frontière naturelle depuis le 14ème siècle, l’Ayguelongue et le Brucos qui s’étalait jadis en marécages (le marais du Brucos). Les travaux actuels de nettoyage des berges et du lit des ruisseaux, ainsi que d’importants drainages ont atténué, en partie, le débordement capricieux de ces ruisseaux qui provoquaient des inondations désastreuses.

La séparation entre la plaine et les coteaux est souvent abrupte, des rampes avec des pentes supérieures à 18 % ont donné son nom à la commune : MONTARDON.

MONT-ARDON, comme indiqué sur le censier de Gaston Phoebus de 1385, semble trouver ainsi son étymologie.

1. Le dictionnaire Occitan, d’après les parlers languedociens donne du mot MONT et de son dérivatif MONTAR, en latin montibus, le sens évident de MONTER.

Monta : action de monter
Montada : montée, cote
Montador : raidillon

2. Le dictionnaire des lieux de France (Larousse 1963) indique pour Montardon une origine germanique (les invasions sont en effet passées par le Béarn).

Le suffixe ARDO venant de « hard » (dur, fort) sert à exprimer les traits caractéristiques et à former des adjectifs à partir de substantifs ou verbes.

MONT-ARDON signifierait donc cette élévation brusque de la plaine vers la crête (altitude 299 mètres au point culminant), ce passage sans transition par des rampes abruptes de la plaine au sommet de la côte qui domine à droite et à gauche de profonds vallons et s’étend à perte de vue sur la plaine avec en fond, la chaîne des Pyrénées dominée par la double dent du Pic d’Ossau.

Le premier document sur le Pont-Long est « la Charte primitive du For de Morlaas » concédé par le Vicomte de Béarn entre 1090 et 1131.

Des rivalités ayant éclatées entre les communes riveraines, un premier accord fut établi en 1277 avec la Paix d’Ossau et de Pau.

Mais le premier document concernant Montardon date du XIVème siècle, c’est un parchemin intact portant la date de 1310.

Nous avons la reproduction et la traduction de cet acte écrit en idiome béarnais, nous verrons plus loin l’importance des droits nouveaux accordés par le Seigneur de Béarn, Gaston 1èr, comte de Foix, à la commune de Montardon.

Que représentait le Pont-Long (« Pal-Loung ») ?

Une immense région de landes et de marécages, Palus Longa, le long marécage, qui, à l’époque, occupait une quinzaine de milliers d’hectares couverts de fougères, d’ajoncs et de thuyas, s’étendant vers l’Est en direction de la plaine de Tarbes et vers l’Ouest en direction de Lescar et d’Orthez, étendue peuplée dés la préhistoire, traces de l’époque néolithique.

L’immense forêt du Bois DE LA RONT, appelé aussi bois de Larron, aujourd’hui bois de Pau, représentait une immense réserve naturelle. Dés le IXème siècle, cette zone fut une barrière impénétrable. Lors des invasions des Normands qui dévastèrent la région, pillèrent et boulèrent les villages et notamment la cité voisine de Lescar, Montardon avec ses 17 « ostaux » disséminés en plaine et sur les coteaux, fut peut-être protégé par cette nature sauvage, les hordes barbares ayant déferlées suivant les axes de communication vers Aire ou Orthez.

Après le départ des envahisseurs, les Ossalois, descendant des montagnes, virent tout l’avantage qu’ils pouvaient tirer de ces immenses landes. Formant une puissante communauté montagnarde, rassemblant leurs troupeaux d’ovins après la Saint Michel (29 septembre), ils franchissent le gave au gué de Pau, seul point possible, et accèdent ainsi au Pont-Long sur la rive droite du gave.

Ils sont les maîtres incontestés du lieu jouissant d’un privilège qui se perd « dans la nuit des temps ».

  • de tant de tems en sa que nos es memori de homi,
  • de tant de temps en cela que ne peut en avoir mémoire d’homme.

J. Passy, dans l’origine des Ossalois, émet l’hypothèse que la vallée aurait servie de refuge à leurs propres habitants vivants déjà au Pont-Long, refoulés vers la montagne au moment des invasions, et une fois le péril passé, revenus sur leur territoire. Cette hypothèse semble peu vraisemblable et pourtant ce même phénomène de migration aller-retour se retrouve dans toute la zone pyrénéenne où les habitants du piémont trouvèrent ainsi refuge dans la montagne et redescendirent ensuite dans la plaine.

De toute façon, ce mouvement de va et vient correspond à la tradition séculaire des bergers ossalois attendu que les dits habitants d’Ossau ne subsistent que par le commerce qu’ils font de leurs bestiaux, lesquels ils ne peuvent faire pâturer que pendant quatre mois au fort de l’été, étant obligés de les faire hiverner dans les landes… et qu’ils ne peuvent se passer du territoire du Pont-Long… où ils ont accoutumé de temps immémorial de tenir leurs bestiaux pendant le printemps et l’automne.

Ce territoire fut ardemment défendu. De furieux combats ayant eu lieu entre les Ossalois et les paysans des environs du Pont-Long, commettant meurtres, blessures et incendies (destruction des 194 toits).

Les paysans de Montardon, commune riveraine, ont certainement participé à ces combats, puisque ce n’est qu’en 1310 que pour mettre à cette situation que Gaston 1èr, Seigneur de Béarn et Comte de Foix, désirant mettre fin aux querelles et permettre de vivre en bonne amitié, tenant la Cour Souveraine avec ses Barons eu Réfectoire des Frères prédicateurs d’Orthez, fait enregistrer l’accord entre la vallée d’Ossau et les communautés de Serres et Montardon le 20 juin 1310

La Vallée d’Ossau et jurade promirent et octroyèrent, ont promis et octroyé de donner à la communauté de Serres et de Montardon droit de couper et faucher, fougère et tuya, pacage et rosée.

Neuf ans plus tard, à la mort de Gaston 1èr, la régence est assurée par Jeanne d’ARTOIS, venue de Bielle le 30 juin 1319. Agissant comme nous le voyons sur les manuscrits par son titre de Vicomtesse du Béarn et tutrice de son fils. Elle prête serment devant la Croix et jure sur les Evangiles que les Ossalois sont maîtres du Pont-Long, en tout cas usufruitiers exclusifs ne donnant à personne d’autre le droit de labourer.

Messenhor le Comte et Madame Jehanne sa may reconeguon et juran que no y lexaren laborar antes personnes.
Monsieur le Comte et Madame Jehanne, sa mère, reconnaissent et jurent qu’ils n’y laisseront labourer d’autres personnes

Ce document, La charte de Madame Jeanne, sera le texte auquel on fera toujours référence chaque fois que des exactions seront commises. C’est pour cette raison que successivement, diverses copies faites « de mot à mot » sur le document original, seront demandées par les jurats de Serres et Montardon. Jusqu’en 1829, date ou ils se feront reconnaître comme propriétaire du Pont-Long, les Ossalois continueront à se référer de façon inébranlable à la « Carta de Madame Jehanne » et à la confirmative de Messenhor Gaston.

Ainsi pendant 500 ans, à cause de cette lettre, cette étendue immense restera inculte par suite de cette domination Ossaloise. Ce territoire donnant seulement lieu à de nombreuses contestations entre les jurats de la Vallée d’Ossau et ceux de Pau, Lescar, Montardon et Serres, les Ossalois faisant ratifier leurs droits par la puissance Seigneuriale ou Royale.

  • en 1367, par Gaston Fébus, qui se rendit en Ossau chasser l’ours et l’izard avec sa meute de 600 chiens qui « par droit d’albergarde » furent nourris aux frais de la Communauté ;
  • en 1426, par Jean Ier ;
  • en 1465, par Gaston IV ;
  • en 1508, par Catherine, reine de Navarre, qui reconnaît « que les ossalois puissent s’attrouper et avec main armée aller et revenir au Pont-Long, en iceluy, démolir les fossés et fermetures, cueillir les grains crus et à croître, le tout sans encourir envers elle sa justice, aucune peine ni amande, voulant que les dits habitant usent pleinement de leurs droits » ;
  • en 1522, par Henri II, roi de Navarre ;
  • en 1543, il rectifie le dénombrement du Pont-Long présenté en 1539 par les Ossalois, qui déclarent l’avoir toujours possédé à titre de fief noble avec le droit de s’y transporter armés et enseignes déployées ;
  • en 1581, confirmation des droits par Henri IV ;
  • en 1612, confirmation des droits par Louis XIII.Tant de batailles corporelles et juridiques pour cette terre aride, marécageuse, glacis alluvial construit par le gave à la fin du tertiaire et début du quaternaire, glacis formé des matériaux venus de la montagne (c’est peut-être là le sol de la vallée d’Ossau) graviers et galets agglutinés couverts d’argiles, avec une grande déficience en chaux et acide phosphorique, à dominante de silice et une grande acidité du sol qui ont fait de ces alluvions le support de maigres bois et ces landes à thuyas coupés de marécages (maré de Brusquaux et autres).

Et pourtant, cette zone constituait pour les montagnards un lieu de prédilection : les confins occidentaux du plateau commandent un gué, passage obligatoire des Pyrénées vers l’Aquitaine, permettant le rassemblement des troupeaux lors de la transhumance sur cette immense plaine (la Serrade et la chapelle des bergers en demeurent le témoignage). Pour les paysans, le Pont-Long représentait une richesse incomparable pour réaliser le pacage et la litière des animaux, sans compter les ressources naturelles des bois peuplés de gibier, mais aussi un danger à cause des animaux sauvages contre lesquels il fallait se défendre (loups, renards, sangliers). Nous apprendrons à reconnaître la véritable richesse du Pont-Long, devenu terres à maïs, grâce aux efforts et à la ténacité des habitants de Montardon, paysans béarnais, ingénieux, prudents et courageux (Marca).

Cette zone comprend toute la partie qui s’étend au Nord du Pont-Long et que l’on pourrait appeler : « La croisée des chemins ».
Elle constitue la zone où se trouvent implantés depuis des siècles une partie des « Ostaus » de Montardon.
C’est en effet le carrefour des voies tracées pour faire communiquer les communes entre elles :

  • l’axe principal de la départementale puis nationale reliant Montardon à Pau et à Morlaas,
  • les chemins transversaux, comme le chemin de Lanots et Penouilh, reliant Montardon à Serres-Castet et à Buros,
  • le chemin du Bois, ainsi que le chemin V, dit de Guilhou et Bareilles, reliant Montardon avec Saint-Castin, et la multitude de chemins vicinaux quadrillant la commune.

Ces chemins sont maintenant bien tracés et élargis par suite des efforts de la municipalité, travaux urgents nécessités par l’augmentation du nombre d’habitants et du trafic.

Jadis, ils constituaient de simples sentiers dont les charrettes occupaient toute la largeur entre deux haies de ronces. J’ai le témoignage d’une paysanne qui venait faire pacager ses vaches dans le secteur, devenu chemin de Biraben (bira lou ben, là où le vent tourne). Le chemin était à peine tracé dans une forêt inextricable de chênes, châtaigniers (à cet endroit existe en effet l’impasse de Castagnet), de thuyas et de ronces enchevêtrées.

C’est autour de ces axes principaux que se groupèrent au XIVème siècle les « Ostaus ». Les paysans de la plaine qui pour leur subsistance cultivaient les terres labourables plus riches en terres végétales se groupaient ainsi autour de cette croisée des chemins.

Sur le plan cadastral, il est possible de retrouver des divers emplacements :

  • la zone centrale : Lacoste, Poulot, Meyan, Hargoaa, Touyarou, Marthe, Arcabouset, Biacabe,
  • à la limite Nord-Ouest : Lhept,
  • à la limite Sud-Est : Bourda, Pedarieu, Balat,
  • à la limite Est : Toulouze,
  • la zone du moulin : Bediot, Dofat, Troubet.Une certaine prédilection pour la proximité des ruisseaux, des arrius ou des sources facilitant ainsi l’approvisionnement en eau, soit pour la construction, l’alimentation des habitants ou des animaux, apparaît ainsi lors de l’implantation de l’ostau.

Cette croisée des chemins était typique du lieu puisque les Montardonnais actuels se souviennent des nombreuses Croix placées à ces intersections de chemin et de leur importance :

  • la Croutz de Lacoste, au carrefour de l’école actuelle (disparue),
  • la Croutz de Lescloupé, avec son assise en pierre,
  • la Croutz de Guilhamet, avec son assise en pierre, après l’église (disparue). Il est fait mention de cette croix en 1840, où le conseil consacre un article à la conduite et garde du bétail sur la lande du Pont-Long :

« Le garde aura obligation de faire l’appel au son du cor, en été prés de la maison Noulibos (prés de la crête), aux heures accoutumées et de corner de temps en temps jusqu’à l’entrée du pacage afin que les propriétaires du bétail qui voudront l’y confier puissent l’entendre… Si une vache est en chaleur, il devra en avertir le propriétaire et la reconduire jusqu’à la croix de Lescloupé. »

(Garde de 1840 confirmée par François Bernusse)

Comme cela a été indiqué, des côtes avec de très fortes inclinaisons amènent à la crête – altitude 299 mètres – par des tracés sinueux.

Déjà, à mi-coteaux, se situe le centre du Village avec le « Casteg » et le groupe d’ostaus dont l’emplacement est identique depuis des temps très anciens :

  • sur les coteaux : Bernusse, Butel, Péré, Anglade, Guilhamet-Poublan, …
  • à mi-coteaux : Siot, Coudure, ..

A la moindre alerte, les habitants de la plaine venaient se réfugier dans cette partie du village qui constituait l’OBSERVATOIRE et la PROTECTION. Il s’agissait d’une zone privilégiée située sur un Haut Tumulus entouré de fossés, limité par des pentes abruptes.

Le mot « Casteg » signifie bien château, mais peut aussi s’appliquer à une simple maison fortifiée. Ce mot implique surtout la notion de solide protection, par opposition à la simple maison noble bâtie sur une terre noble, le « Domecq ».

En 1385, le Censier de Gaston Fébus parle bien du Casteg de Montardon et de son gardien, Peyro deu Prat.

Les Seigneurs de Montardon n’ont sans doute jamais habité la Commune. Leur titre de Seigneur provenant de l’importance des terres nobles qu’ils possédaient et dont ils tiraient des revenus. Comme nous le verrons plus loin, leur redevance étant d’ailleurs indiquée sur la Sénéchaussée de Pau où plusieurs eurent leur résidence, alors que Montardon dépendait de la Sénéchaussée de Morlaas.